La scène est déjà familière : les dirigeants sud-soudanais annoncent, une fois de plus, le report des premières élections nationales, initialement prévues pour décembre 2024, à décembre 2026. Face à cette décision, les Nations Unies montent au créneau et avertissent que le "temps presse" pour mettre en œuvre des réformes politiques et institutionnelles cruciales. Cet appel souligne l’urgence de la situation et révèle, en filigrane, une crainte partagée : que cette transition s’éternise sans jamais aboutir à la démocratie promise.
Un report prévisible, mais alarmant
L’extension de la période de transition décidée par le président Salva Kiir est, selon Nicholas Haysom, le représentant de l'ONU au Soudan du Sud, un "développement inévitable, mais regrettable". Il est certain que l’ombre de l’instabilité plane toujours sur ce jeune pays qui a conquis son indépendance en 2011, mais qui peine à instaurer un système politique crédible. Pourtant, la question de la transition est devenue presque un mantra pour les dirigeants, un sujet qui, à chaque crise, est "relégué au second plan", selon Haysom. Dans ce contexte, l’ONU se demande : combien de temps ce cycle de reports peut-il durer avant que la crédibilité des dirigeants s’effondre ?
Une fatigue politique qui mine la société
Cette répétition de promesses non tenues pèse lourdement sur la population. Les Sud-Soudanais, fatigués et frustrés, ont accueilli cette annonce d’un report supplémentaire avec une résignation mêlée de scepticisme. Les Sud-Soudanais aspiraient à ce que l’indépendance leur apporte la stabilité, la paix et un système politique fonctionnel. Or, la paralysie politique ne fait qu’aggraver leurs frustrations. Un gouvernement perçu comme indifférent aux attentes citoyennes risque de nourrir des tensions sociales profondes, voire de susciter un climat propice à de nouvelles violences.
Des réformes qui se font attendre
L’appel de l’ONU est sans ambiguïté : sans des "actions décisives" et des réformes structurelles, le Soudan du Sud risque de se retrouver dans une situation identique en décembre 2026. Mais de quelles réformes parle-t-on ? Le Soudan du Sud a besoin d’un cadre institutionnel solide, de mécanismes de transparence pour lutter contre la corruption, et d’un système judiciaire indépendant pour protéger les droits de ses citoyens. Ces réformes, qui sont les fondations d’une démocratie saine, restent encore hors d’atteinte. À force de report en report, le risque est de compromettre tout le processus de transition et de maintenir le pays dans une impasse politique.
Le rôle clé de la communauté internationale
Les Nations Unies, soutenues par d’autres acteurs internationaux, se trouvent dans une position délicate. Elles doivent encourager le gouvernement sud-soudanais à aller de l’avant, tout en veillant à ne pas imposer des sanctions qui pourraient aggraver la situation humanitaire déjà fragile. Si l’ONU insiste pour que cette prolongation soit "la dernière", il est aussi crucial que les partenaires du Soudan du Sud soutiennent activement les mouvements de la société civile, essentiels pour maintenir une pression intérieure en faveur de la démocratie.
Une occasion de redresser le cap
Au Soudan du Sud, le compte à rebours a commencé. Cette transition prolongée représente, comme le dit l’ONU, une "dernière opportunité" pour les dirigeants de prouver leur attachement aux idéaux démocratiques. Si la classe politique échoue à saisir cette chance, le pays pourrait bien rester dans un cycle perpétuel de stagnation et d'instabilité, réduisant à néant les aspirations démocratiques de sa population.
En 2026, les Sud-Soudanais auront attendu près de quinze ans pour exercer leur droit de vote, un droit qui reste pour eux un rêve lointain. Les dirigeants du pays doivent choisir : continuer dans cette spirale de déceptions, ou transformer enfin cette transition en un véritable chemin vers la démocratie.