Sénégal : entre alternance générationnelle, reforme systémique et défis de l’heure /Partie1
Rédaction: Papa Ousmane Faye
Politiste, enseignant en Sciences Po,
spécialiste de la CEDEAO et des migrations.
Résumé :
Le Sénégal se trouve à un moment décisif de son histoire, marqué par l’émergence d’une nouvelle génération d’acteurs politiques avec un nouveau et très jeune président âgé de 44 ans. Cette alternance générationnelle pourrait ouvrir la voie à un changement systémique attendu depuis longtemps par le peuple, qui exige des élus des actions concrètes et transparentes. Les jeunes, particulièrement impatients, aspirent à un avenir meilleur dans leur pays, sans envisager de migrer vers d’autres horizons. Ils ont besoin de formation et de compétences pour pouvoir eux aussi assurer l’élite de transition à venir. Ils représentent l’avenir du Sénégal et ont soif de changement. Toutefois, la concrétisation de ces aspirations dépend, d’une part, largement de la volonté du gouvernement à promouvoir le progrès, surtout dans un contexte économique favorable, marqué par l’exploitation du gaz et du pétrole, qui propulsera le pays parmi les nations bénéficiant de ces ressources. D’autre part, le changement tant attendu ne pourra avoir lieu que dans un environnement où la justice et les institutions sont indépendantes et justes.
DES ELECTIONS DE MARS 2024, VERS UNE ALTERNANCE GENERATIONNELLE ET SYSTEMIQUE
Entre alternance générationnelle et alternance systémique, les sénégalais ont montré leur ferme volonté d’aller vers le changement par sa jeunesse en élisant un président jeune dès le premier tour en lui accordant 54,28% des voix à l’issue des scrutins. Bassirou Diomaye FAYE est le plus jeune président de toute l’histoire de la nation, âgé seulement de 44 ans et le plus jeune démocratiquement élu en Afrique.
« Le monde va vers sa jeunesse » disait le prospectiviste Gaston Berger. Voici que le Sénégal, un pays très jeune avec une population globale de 18 millions d’habitants dont 11 millions ont moins de 35 ans, décide de confier l’appareil d’Etat à une nouvelle génération d’hommes politiques, semblent-ils, ont l’ambition d’enclencher une rupture systémique de par une alternance générationnelle. Cette rupture systémique se matérialisera d’abord au niveau national par une mutation dans l’appareil d’Etat, son modèle de fonctionnement et de perpétuation et de même que l’action des hommes et femmes attelés à la fonction publique pour un Sénégal nouveau et vertueux. Ensuite, une autre mutation s’attend, comme le prétendent les acteurs de la coalition élu, consistant à revisiter la relation avec l’ancien colon hérité du vieux système colonial qui se perpétue sous une forme néocoloniale. Une nouvelle forme de coopération basée sur une relation d’Etats souverains et un partenariat gagnant-gagnant, est l’une des attentes les plus importantes.
Le choix des votants montre alors vers où va l’une des plus grandes démocraties d’Afrique dans un contexte politique ouest africain très particulier après les coups d’Etat au Mali, en République de Guinée, au Burkina et au Niger. Quand on dirait que l’obscurantisme politico-institutionnel s’abat en Afrique de l’ouest en l’occurrence, nous avons comme l’impression que le pays de la Téranga vient d’apporter une lumière d’espoir en donnant l’exemple du grand frère, du guide démocrate ayant foi en ses institutions qui demeurent après le passage de plusieurs générations d’hommes politiques et d’hommes d’Etat. D’un autre côté, suivant une dynamique très intéressante, nous pouvons observer une évolution dans le choix de ce peuple qui est bien habitué et expérimenté en ce qui concerne l’élection de ces dirigeants. En 2012, les sénégalais mettaient au pouvoir le premier président né au lendemain des indépendances. Voici qu’aujourd’hui, ils progressent encore en confiant la commande d’Etat à quelqu’un de plus jeune né en 1980.
Toutefois, à l’heure où les sénégalais célèbrent l’accession d’un nouveau leader au pouvoir, il va sans dire que le futur gouvernement ne sera pas du tout muet car les défis reposant sur leurs ministères sont alarmants. Cependant, le peuple sénégalais a l’espoir en ce que ses souffrances soient calmées car il a enduré, entre autres, la pauvreté, le chômage, l’injustice, la mal gouvernance et ce pendant plus d’une décennie marquée par une grande résilience.
LES DEFIS DE L’HEURE
LE SENEGAL FACE AUX URGENCES DE LA JEUNESSE
FORMATION, EMPLOI & ENTREPRENEURIAT DES JEUNES
Dans un pays où 11 sur 18 millions d’habitants ont moins de 35 ans, il est important pour tout dirigeant aspirant à l’émergence et au développement d’avoir une politique de jeunesse efficace et durable. Une politique de jeunesse orientée résultat et durabilité vise à créer des opportunités et des soutiens pour les jeunes dans les domaines de la formation, de l’emploi et de l’entrepreneuriat. En offrant des programmes de formation professionnelle et des possibilités de stages pratiques, elle prépare les jeunes au marché du travail. Parallèlement, des incitations fiscales comme c’est le cas avec la récente loi en faveur des startups doivent être accompagnées de programmes régionaux destinés à promouvoir l’entrepreneuriat partout sur le territoire sénégalais en offrant l’occasion de réduire le gap en termes d’opportunités entre les jeunes de la capitale et ceux des régions[1]. De plus, il faut une décentralisation totale des agences ou directions nationales existant et créer de nouvelles plus spécialisées dans différents secteurs d’avenir dans toutes les régions où sont susceptibles de provenir les futurs champions économiques nationaux. Toutefois, la mise en place de directions s’inscrivant dans le champ entrepreneurial ne suffit pas. Il faut aussi soutenir la mise en place d’incubateurs spécialisés dans les régions afin d’accélérer et mieux encadrer les initiatives et le développement des projets des jeunes. D’un autre côté, plus de financement public-privé et des crédits bancaires avec des taux préférentiels devront être alloués pour encourager l’entrepreneuriat chez les jeunes, favorisant ainsi l’innovation et la création d’entreprise, d’emplois et d’un écosystème favorable à l’apprentissage. Une politique pareille s’engage également à garantir l’accès équitable à l’emploi pour un pays qui enregistre plus de 300.000 nouveaux entrant dans le marché du travail chaque année et un taux de chômage avoisinant les 19,5%[2]. Cela pourrait ouvrir les ressources éducatives et économiques et une voie pour la promotion et l’incitation à la participation civique et sociale des jeunes, créant ainsi un environnement propice à l’apprentissage, leur développement et leur épanouissement.
A suivre…
[1] Loi n°2020‐01 du 6 janvier 2020 relative à la création et à la promotion de la startup au Sénégal
[2] « Sénégal, diagnostic du marché de l’emploi et propositions de nouvelles réformes ».
Mandela Ndiaye Touré, 7 août 2021, www.seneplus.com/opinions/senegal-diagnostic-du-marche-de-lemploi-et-propositions-de. Dernière consultation le 20 avril 2024.
Agence National de la statistique et de la démographie, https://www.ansd.sn/Indicateur/enquete-emploi
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