Sénégal : entre alternance générationnelle, reforme systémique et défis de l’heure/partie2
Rédaction: Papa Ousmane Faye
Politiste, enseignant en Sciences Po,
spécialiste de la CEDEAO et des migrations.
Résumé :
Le Sénégal se trouve à un moment décisif de son histoire, marqué par l’émergence d’une nouvelle génération d’acteurs politiques avec un nouveau et très jeune président âgé de 44 ans. Cette alternance générationnelle pourrait ouvrir la voie à un changement systémique attendu depuis longtemps par le peuple, qui exige des élus des actions concrètes et transparentes. Les jeunes, particulièrement impatients, aspirent à un avenir meilleur dans leur pays, sans envisager de migrer vers d’autres horizons. Ils ont besoin de formation et de compétences pour pouvoir eux aussi assurer l’élite de transition à venir. Ils représentent l’avenir du Sénégal et ont soif de changement. Toutefois, la concrétisation de ces aspirations dépend, d’une part, largement de la volonté du gouvernement à promouvoir le progrès, surtout dans un contexte économique favorable, marqué par l’exploitation du gaz et du pétrole, qui propulsera le pays parmi les nations bénéficiant de ces ressources. D’autre part, le changement tant attendu ne pourra avoir lieu que dans un environnement où la justice et les institutions sont indépendantes et justes.
EDUCATION, ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET RECHERCHE SCIENTIFIQUE
L’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche scientifique sont des piliers fondamentaux pour le progrès et le développement de toute une nation. L’éducation fournit les bases de connaissances et les compétences nécessaires pour permettre aux individus de bien se former dans le domaine de leur choix et ainsi de réussir dans leur vie personnelle et professionnelle. Pour un pays de jeunes à fleur de l’âge de la connaissance et de la formation, le Sénégal ne compte que 5 universités publiques sur l’ensemble de son territoire et dispose entre 3 et 4 écoles destinées aux Classes préparatoires. Ce nombre est encore insuffisant pour une population très jeune qui se compte par millions et qui ont besoin de se former pour faire face aux défis de l’heure. Pour l’année 2023, le Sénégal a produit quelques 79.943 bacheliers soit un taux de réussite de 51,54% sans aucune capacité d’accueil suffisant ni conditions d’études universitaires adéquates[1].
Le progrès de la recherche scientifique dépend des ressources disponibles pour les jeunes chercheurs, qui doivent être soutenus pour compétir à l’échelle internationale. Une collaboration étroite entre chercheurs, universités, incubateurs, industries et gouvernements est cruciale pour stimuler l’innovation et résoudre les problèmes locaux. Pour évoluer vers une économie de la connaissance, il est nécessaire d’adapter le système éducatif aux besoins nationaux et à la culture locale, tout en fournissant une formation supérieure adaptée aux exigences nationales et internationales. Cela renforcera la compétitivité des chercheurs et favorisera des avancées significatives dans un écosystème propice à l’apprentissage.
UNE ECONOMIE SENEGALAISE QUI PROFITE AUX SENEGALAIS
Pour bâtir une économie sénégalaise qui profite réellement aux Sénégalais, il est essentiel de mettre en place des stratégies axées sur les priorités locales, en mettant un accent particulier sur l’agriculture et la transformation des produits locaux. L’agriculture représente l’un des piliers de l’économie sénégalaise, fournissant une grande partie des emplois dans le milieu rural et contribuant de manière significative au PIB à hauteur de 15,49% en 2022[2]. Pour renforcer ce secteur, il est crucial de soutenir les petits exploitants agricoles qui peinent en leur fournissant un accès adéquat aux intrants agricoles tels que les semences de qualité, les engrais et les outils, ainsi qu’en leur offrant des formations techniques et une assistance agronomique. De plus, des investissements dans l’irrigation, la gestion de l’eau et la résilience climatique sont nécessaires pour améliorer la productivité agricole et garantir une souveraineté alimentaire durable.
Selon ANSD, le Sénégal a importé 1.487.300 tonnes de riz en 2022 en provenance d’Asie soit une enveloppe globale de 346,8 milliards de FCFA tandis que sa production locale en 2022 a atteint 1.409.119,986 tonnes. Ce qui attire le plus notre attention sur ce point est l’augmentation de l’importation du riz. En 2021, le Sénégal importait 1.194.000 tonnes de riz soit un taux d’augmentation de 24,6% par rapport à l’année 2022. Quant au coût à l’importation, il a aussi connu une hausse de 32,1% par rapport à l’année 2021 passant alors de 262,4 milliards à 346,8 milliards de FCFA en l’espace d’une année[3]. Au regard de ces chiffres, améliorer la production et la productivité locale est une urgence qui permettra aux ménages de pouvoir consommer à moindre coût et améliorer in fine les conditions de vie des sénégalais en impactant positivement le panier de la ménagère. Notons également que le sac de riz de 50 kg importé coûte au sénégalais lambda environ 25.000 FCFA pour un pays dont le SMIG est de 64.223 FCFA et que le riz est l’aliment de base de la population[4].
Ceci dit, pour parer la substitution des produits d’importation, des incitations fiscales, des subventions et des programmes de développement des compétences agricoles peuvent encourager les investissements dans l’agriculture, la transformation des produits agricoles, et surtout inciter les jeunes à s’adonner à la culture de la terre. En investissant dans l’agriculture et la transformation des produits locaux, l’Etat du Sénégal pourra diversifier son économie, créer de l’emploi, réduire sa dépendance aux importations et stimuler une croissance économique endogène et inclusive, tout en valorisant les ressources naturelles et culturelles du pays assurant une consommation locale, durable et responsable.
ETHIQUE, TRANSPARENCE ET EQUITE POUR UNE GOUVERNANCE SOBRE ET VERTUEUSE
Ethique, transparence et équité sont cruciaux pour instaurer la confiance, la responsabilité et l’efficacité dans toutes les sphères de l’État. Allant de la sphère économique passant par les institutions et la politique, ces valeurs impactent positivement dans ces différents champs d’action de l’Etat. Les futurs leaders, sous la présidence de Bassirou Diomaye FAYE, justement promeuvent et incarnent ces valeurs, l’une des raisons de leur plébiscite au suffrage universel en obtenant 54,28% des voix au premier tour. Tout d’abord, des normes éthiques claires et solides doivent être établies, comprenant l’intégrité, la justice, le respect des droits de l’homme et la responsabilité sociale. La transparence doit être encouragée à travers des rapports réguliers, des consultations publiques et la divulgation d’informations pertinentes. D’une part, des mécanismes de reddition de comptes efficaces doivent être mis en place, incluant des audits indépendants et des enquêtes sur la corruption. D’autre part, la digitalisation des services publics donnera lieu à plus de transparence dans la gestion publique et permettra de lutter efficacement contre la corruption. Une gouvernance rigoureuse et vertueuse permet d’éradiquer un fléau très présent, la corruption. Ses effets pourraient stimuler la croissance économique, augmenter l’épargne nationale et attirer des investissements étrangers directs qui pourraient être mobilisés pour initier une transformation économique durable[5]. Elle permettra également aux sénégalais d’éviter que les deniers publics soient détournés et in fine se retrouver dans des comptes cachés à l’étranger. A cause de la corruption, plus de 250 milliards de FCFA traversent chaque année les frontières en provenance des comptes publics appartenant aux contribuables[6].
L’engagement citoyen est vital et nécessite des consultations publiques et des mécanismes de feedback pour répondre aux besoins nationaux. Pour promouvoir l’équité et l’inclusion sociale, des politiques de discrimination positive et des programmes de développement communautaire sont nécessaires pour réduire les disparités de genre, socio-professionnelles et socio-économiques. Étant sur le point de devenir un important producteur et exportateur de gaz et de pétrole, il est crucial d’éduquer et de sensibiliser tous les acteurs concernés, y compris les décideurs politiques, les entreprises et la société civile, pour lutter contre la corruption et favoriser l’adoption de principes éthiques, tout en comprenant les avantages à long terme pour les citoyens et les générations futures.
En grosso modo, le Sénégal entre dans une nouvelle ère très importante de son histoire le conduisant à la croisée des chemins. Un changement de génération d’acteurs politiques jeunes devra résulter sur un changement de paradigme sur quoi se reposera le changement systémique tant attendu par le peuple qui ne cesse d’être très exigeant à l’égard des élus. Les jeunes aujourd’hui sont impatients et ont soif de changement. Ils espèrent en ce que leur pays pourra leur offrir ce dont ils ont besoin au cours de leur vie sans penser à un seul moment prendre les pirogues pour espérer un avenir meilleur ailleurs car ils sont l’avenir. Cependant, tout dépendra de la volonté gouvernementale à mener le changement et le progrès dans un contexte économique qui sera très favorable avec la production et l’exportation du gaz et du pétrole, qui placera le pays au haut rang dans le cercle fermé des pays disposant de ces ressources. Mais, gare à la gouvernance car seule avec une bonne gestion et répartition des richesses émanant de celles-ci que le peuple pourra ressentir les fruits de la bénédiction de leur terre, celle héritée des ancêtres et préparer dans la foulée les générations à venir.
BIBLIOGRAPHIE
- Agence National de la Statistique et de la Démographie, « Note d’analyse du commerce extérieur », édition 2022.
https://www.ansd.sn/sites/default/files/2024-02/NACE_2022%20VFcorr1.pdf
- Agence National de la statistique et de la démographie, « Enquête nationale sur l’Emploi au Sénégal, Troisième trimestre 2023 », Note d’informations, décembre 2023. https://www.ansd.sn/Indicateur/enquete-emploi
- Loi n°2020‐01 du 6 janvier 2020 relative à la création et à la promotion de la startup au Sénégal.
- Perspective Monde, École de politique appliquée, Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Sherbrooke, Québec, Canada, édition 2022. https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays/?codeStat=NV.AGR.TOTL.ZS&codePays=SEN&codeTheme=2
- Mandela Ndiaye Touré, « Sénégal, diagnostic du marché de l’emploi et propositions de nouvelles réformes », 7 août 2021. seneplus.com/opinions/senegal-diagnostic-du-marche-de-lemploi-et-propositions-de.
- Maher Hajbi, « Maroc, Côte d’Ivoire, Cameroun… Où le salaire minimum est-il le plus élevé ? », Jeune Afrique, 21 août 2023.
- Souleymane Gueye, « Repenser la gouvernance pour la lutte contre la corruption au Sénégal », 26 septembre 2023. seneplus.com/opinions/repenser-la-gouvernance-pour-la-lutte-contre-la-corruption-au.
- Seneweb News, « Baccalauréat : Voici le taux de réussite en 2023 », 18 juillet 2023.
seneweb.com/news/Education/baccalaureat-voici-le-taux-de-reussite-e_n_415565.html.
[1]« Baccalauréat : Voici le taux de réussite en 2023 | seneweb.com ». Seneweb.com, www.seneweb.com/news/Education/baccalaureat-voici-le-taux-de-reussite-e_n_415565.html. Dernière consultation le 20 avril 2024.
[2]Perspective Monde, École de politique appliquée, Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Sherbrooke, Québec, Canada https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays/?codeStat=NV.AGR.TOTL.ZS&codePays=SEN&codeTheme=2
[3] Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie, Note d’analyse du commerce extérieur, édition 2022
https://www.ansd.sn/sites/default/files/2024-02/NACE_2022%20VFcorr1.pdf
[4] Jeune Afrique, Maroc, Côte d’Ivoire, Cameroun… Où le salaire minimum est-il le plus élevé ?, https://www.jeuneafrique.com/1474775/economie-entreprises/maroc-cote-divoire-cameroun-ou-se-trouvent-les-meilleurs-smig-africains/#:~:text=Au%20S%C3%A9n%C3%A9gal%2C%20le%20salaire%20minimum,salaires%20dans%20le%20secteur%20priv%C3%A9. , dernière consultation le 20 avril 2024.
[5] Souleymane Gueye, « Repenser la gouvernance pour la lutte contre la corruption au Sénégal », 26 septembre 2023, www.seneplus.com/opinions/repenser-la-gouvernance-pour-la-lutte-contre-la-corruption-au. Dernière consultation le 20 avril 2024.
[6] Ibid.
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