PANISME, INTANGIBILITÉ DES FRONTIÈRES ET CONFLITS EN AFRIQUE : L’IMPÉRATIF D’UN AFRICANISME PRAGMATIQUE
Rédaction: Mamoudou Samoura
Un passé qui hante le présent
L’Afrique a toujours été un continent de diversité et de complexité. Pourtant, il semble que son histoire, souvent douloureuse, continue d’influencer son présent. À travers les âges, des visions expansionnistes ont nourri des tensions entre États, des ambitions impérialistes déguisées en légitimité historique. On appelle cela le « panisme », cette tendance qu’ont certains États à revendiquer des territoires en s’appuyant sur une lecture parfois biaisée du passé.
Hier, l’Europe a connu le pangermanisme, qui a contribué à enflammer le continent au XXe siècle. Aujourd’hui, en Afrique, le « panisme » se manifeste dans plusieurs régions, notamment dans les Grands Lacs, où le Rwanda et la République Démocratique du Congo (RDC) sont enfermés dans un conflit qui semble sans fin (pour plus d’informations, consultez nos articles récents : https://www.africaeye.org/?s=rdc).
Le président Paul Kagamé, au pouvoir au Rwanda depuis près de trois décennies, défend l’idée selon laquelle les frontières rwandaises ont été rétrécies par la colonisation. Il évoque un Rwanda d’avant la pénétration européenne, qui s’étendait, selon lui, sur une partie de l’actuel Nord-Kivu en RDC (Le Monde 2024). Ce discours, soutenu par une frange de l’élite rwandaise, a justifié des interventions répétées à l’Est du Congo sous divers prétextes.
Pourtant, l’histoire raconte une autre réalité. Kigeri IV Rwabugiri, dernier roi mythique du Rwanda précolonial, tenta d’étendre son territoire vers l’Ouest, mais il trouva la mort face aux résistants du royaume des Bushi, en territoire congolais (Chrétien 2000). Une fin tragique qui remet en cause le récit d’un Rwanda historiquement maître du Kivu.
Quand la démographie et la géographie dictent la guerre
Mais au-delà des récits historiques, une question plus pressante émerge : quelles sont les motivations réelles de Kigali ?
Le Rwanda, avec ses 14 millions d’habitants entassés sur 26 338 km², est l’un des pays les plus densément peuplés du monde. Face à lui, la RDC, avec ses 2,345 millions de km², est un géant territorial et possède d’immenses richesses naturelles : terres arables, or, coltan, cobalt… tout ce dont un État surpeuplé et pauvre en ressources pourrait rêver (Guichaoua 2010).
Ainsi, depuis la fin des années 1990, les rébellions successives (AFDL, RCD, CNDP, M23) ont toutes eu une constante : l’implication rwandaise. La guerre de prédation, menée au nom de la sécurité ou des droits des minorités rwandophones, semble surtout servir des intérêts économiques et géopolitiques.
Un rapport de l’ONU publié en juillet 2024 révèle que Kigali ne se contente plus d’un simple appui aux rebelles du M23, mais dirige désormais les opérations militaires dans le Nord-Kivu (Nations Unies, juillet 2024). Une information qui confirme les accusations portées par Kinshasa depuis plusieurs années.
L’intangibilité des frontières : un principe en péril ?
En 1964, dans l’euphorie des indépendances, les chefs d’État africains réunis sous l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine) ont pris une décision cruciale : les frontières coloniales, aussi arbitraires soient-elles, seraient maintenues (Union africaine 2013 : 20-21). Ce choix, dicté par la prudence, visait à éviter un continent fragmenté par des revendications territoriales sans fin.
Mais aujourd’hui, ce principe est de plus en plus remis en question. Le Rwanda n’est pas le seul pays à revendiquer une relecture des frontières. D’autres États, comme la Somalie, avec son rêve de « Grande Somalie », ou encore des tensions récurrentes entre le Maroc et l’Algérie, illustrent les menaces grandissantes sur ce consensus fragile.
Si l’Afrique commence à rouvrir la boîte de Pandore des frontières, où cela s’arrêtera-t-il ?
L’africanisme comme alternative au chaos
Face à ces tensions, un autre chemin est possible. Celui de l’africanisme, une vision qui met l’unité et la coopération au-dessus des ambitions expansionnistes (Ndaywel è Nziem 1998).
Plutôt que de se battre pour redessiner les cartes, les dirigeants africains doivent plutôt construire un avenir commun, basé sur :
- L’intégration économique à travers des initiatives comme la ZLECAF (Zone de libre-échange continentale africaine), qui favorise les échanges intra-africains et réduit la dépendance extérieure.
- La coopération sécuritaire : une alliance régionale forte contre les groupes armés qui déstabilisent des nations entières.
- Le renforcement des États : une RDC forte, avec une armée moderne et un État efficace, sera moins vulnérable aux ingérences étrangères.
L’Europe a mis fin à des siècles de guerres territoriales grâce à des accords de coopération et d’intégration économique. Pourquoi l’Afrique ne pourrait-elle pas en faire autant ?
L’Afrique face à son destin
Les guerres expansionnistes ont toujours mené au chaos. L’Afrique n’a pas besoin d’un Rwanda hégémonique, d’un Congo éclaté, ni de nations rivales cherchant à étendre leurs frontières à tout prix.
Ce dont l’Afrique a besoin, c’est d’unité, de stabilité et de prospérité partagée. Car, en fin de compte, aucun peuple ne gagne dans une guerre qui n’a pas de fin.
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