Dambe, amulettes et coups de corde : le Nigeria modernise son art martial ancestral

Rédaction : Widad WAHBI

Le Dambe, art martial traditionnel du nord du Nigeria, entre dans une nouvelle ère. Porté par des siècles d’héritage haoussa, ce sport de combat spectaculaire où les poings bandés claquent comme des fouets  fait désormais l’objet d’un tournoi télévisé, le Dambe World Series, diffusé en direct depuis Abuja. Loin des arènes de sable des quartiers populaires, le Dambe foule aujourd’hui les planches du stade national, éclairé par des projecteurs et filmé pour le public international.

Mais avant de monter sur le ring, les combattants se préparent selon des rites séculaires : peintures corporelles, incisions rituelles, onguents mystiques, invocations des mallams (guides spirituels)… autant de gestes transmis de génération en génération pour « renforcer le corps et l’âme » et invoquer la victoire.

Abdullahi Ali, surnommé « Coronavirus », 20 ans, est l’une des jeunes figures de ce sport. Vétéran malgré son âge, il a grandi dans la pratique du Dambe. « C’est un grand moment. Le public augmente chaque jour », confie-t-il la veille du tournoi, fier de porter les couleurs de la Maison Kudu.

Le Dambe, pourtant, reste un sport brutal. Un seul poing, bandé de cordes, est autorisé à frapper. L’autre bras est tendu, prêt à défendre ou agripper. Quand un combattant tombe au sol, on dit qu’il a été « tué » : le round s’arrête. Entre deux combats, des artistes se produisent, et des publicités ponctuent le spectacle, signe d’un changement d’échelle.

Autrefois pratiqué dans les ruelles de Kano ou les quartiers marginaux d’Abuja, le Dambe attire désormais l’attention des sponsors, des chaînes internationales, et même des autorités nigérianes qui y voient un outil de valorisation du patrimoine culturel.

« Au lieu d’occidentaliser le Dambe, notre objectif est de le professionnaliser tout en gardant son identité », explique Maxwell Kalu, fondateur du West African Fighting Championship (WAFC), l’organisation à l’origine du tournoi. Objectif : encadrer la pratique, sécuriser les combattants, introduire des salaires, et ouvrir la compétition aux athlètes étrangers.

En 2024, un Britannique, Luke Leyland, est devenu le premier combattant non-nigérian à participer à un tournoi de Dambe. Battu à plates coutures, il en a tiré un documentaire. Les Nigérians, eux, accueillent cette ouverture avec enthousiasme, convaincus de rester les maîtres incontestés de leur discipline.

Mais la réalité reste rude : blessures fréquentes, cicatrices visibles, absence de couverture sociale. Usman Abubakar, 20 ans, aujourd’hui en convalescence après une blessure à la poitrine, confie : « Si je me marie, je ne laisserai pas mes enfants pratiquer ce sport. »

Sur les réseaux sociaux, le Dambe a gagné une audience mondiale. Des vidéos virales attirent les curieux de Lagos à Los Angeles. À Lagos justement, des compétitions sont désormais organisées, élargissant l’ancrage géographique de ce sport autrefois réservé au nord.

Dans l’État de Nasarawa, les combattants s’en remettent aux bénédictions des mallams avant de monter sur le ring. Des femmes assistent désormais aux combats, séduites par l’intensité du spectacle. « C’est un peu effrayant, mais j’aime bien », sourit Joy Beatrice, agente forestière.

Symbole de résilience, le Dambe continue d’incarner une jeunesse en quête de reconnaissance, de gloire… et de survie. Dans chaque coup porté, il y a l’écho d’une tradition réinventée.

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