Tanzanie : le départ surprise du Premier ministre Majaliwa rebat les cartes de la succession politique

Rédaction: Sekou Kagné

Dans un geste aussi inattendu que significatif, le Premier ministre tanzanien Kassim Majaliwa a annoncé mercredi son retrait de la vie parlementaire, déclarant qu’il ne solliciterait pas de nouveau mandat lors des prochaines élections législatives. Cette décision, qui empêche de facto sa reconduction à la tête du gouvernement, marque un tournant discret mais stratégique dans l’équilibre du pouvoir au sein du régime dirigé par la présidente Samia Suluhu Hassan.
Jusqu’à récemment, le chef du gouvernement, âgé de 64 ans, avait affirmé son intention de briguer un quatrième mandat dans sa circonscription de Ruangwa, qu’il représente depuis 2010. Le revirement soudain, exprimé comme étant dicté par la volonté divine et « pris de bonne foi », intervient dans un contexte d’ajustements internes au sein du Chama Cha Mapinduzi (CCM), parti au pouvoir depuis l’indépendance.
Nommé Premier ministre en 2015 sous l’administration du président John Magufuli, Majaliwa avait su s’imposer comme figure de continuité au lendemain du décès de ce dernier en 2021, garantissant une transition sans heurts. Son profil modeste mais discipliné en avait fait un acteur-clé dans la gestion de l’appareil étatique, notamment durant les premières années du mandat de la présidente Samia.
L’annonce de son retrait survient quelques semaines après celle du vice-président Philip Mpango, qui a également choisi de quitter la vie politique. Pour les observateurs, ces deux départs pourraient ouvrir à la cheffe de l’État un espace décisif pour redéfinir l’architecture de l’exécutif et consolider son autorité à l’approche des élections générales prévues fin 2025. Plusieurs analystes évoquent notamment la volonté de Samia de renforcer l’équilibre géographique et confessionnel au sein de l’exécutif, dans un pays à majorité chrétienne dirigé par une présidente et un Premier ministre tous deux musulmans.
Majaliwa, qui a assuré vouloir continuer à servir au sein du CCM, a réaffirmé son soutien à la candidature présidentielle de Samia Suluhu Hassan. Son départ, interprété par certains comme un geste d’élégance politique, pourrait également refléter une volonté personnelle de se retirer après une décennie de responsabilités gouvernementales intenses.
Mais cette recomposition du paysage politique tanzanien intervient sur fond de tensions croissantes avec l’opposition. Le principal parti contestataire, le Chadema, a été exclu du processus électoral pour avoir refusé de se plier à un code de conduite controversé. Parallèlement, des arrestations, disparitions et assassinats d’opposants alimentent les accusations de répression. La présidente, d’abord saluée pour avoir assoupli les restrictions imposées par son prédécesseur, est aujourd’hui accusée par plusieurs organisations de droits humains d’avoir renoué avec une gouvernance autoritaire.
La polémique s’est intensifiée récemment autour du cas de Tundu Lissu, figure majeure de l’opposition, actuellement détenu sous l’accusation de trahison. Le gouvernement a formellement démenti toute velléité de l’empoisonner, dénonçant une campagne de désinformation et menaçant de poursuites judiciaires.
Alors que le CCM s’apprête à renouveler son mandat présidentiel et parlementaire, la Tanzanie entre dans une phase politique déterminante, où les gestes individuels – comme celui de Kassim Majaliwa – prennent une portée symbolique bien au-delà de leur discrétion apparente.

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