Le diamant en Afrique : entre splendeur minérale et tragédie humaine
Rédaction : Widad WAHBI
Avant même l’apparition des êtres humains sur Terre, le diamant s’était déjà formé dans les entrailles profondes de la planète, il y a plus de trois milliards d’années. Remonté à la surface par des éruptions volcaniques il y a environ 300 à 400 millions d’années, ce cristal d’une dureté légendaire est aujourd’hui l’un des joyaux les plus prisés du marché mondial. Mais derrière son éclat brut se cache une réalité bien plus sombre, où exploitation, violence et tragédies humaines cohabitent avec le luxe et les vitrines illuminées des grandes capitales.
L’Afrique, qui détient les plus vastes réserves naturelles de diamant au monde, en produit plus de la moitié chaque année. Ce continent est devenu, depuis la découverte des premiers gisements en 1870, le cœur battant d’un commerce qui mêle fortunes colossales, souffrances invisibles et enjeux géopolitiques sensibles. Si le diamant est un symbole d’amour et de richesse dans les pays occidentaux, il demeure pour beaucoup d’Africains synonyme de douleur, de guerre et de dépossession.
On parle souvent de « diamant du sang » pour désigner ces pierres extraites dans des zones de conflit et utilisées pour financer des guerres civiles. En Sierra Leone, durant les années 1990, des milliers de civils ont été asservis dans des mines contrôlées par des milices armées. Des mutilations systématiques étaient infligées à ceux qui tentaient de fuir ou de désobéir, dans une violence extrême devenue tristement célèbre à travers le monde. L’expression glaçante « préfères-tu des manches longues ou courtes ? » — allusion à l’amputation d’un bras ou d’une main — est restée dans les mémoires comme le symbole d’une brutalité insoutenable.
Au-delà de la Sierra Leone, d’autres pays africains tels que la République centrafricaine, le Zimbabwe ou l’Angola ont été le théâtre d’affrontements sanglants, où les diamants servaient de monnaie pour l’achat d’armes et l’entretien de régimes autoritaires. Selon l’ONG Brilliant Earth, près de 3,7 millions de personnes auraient perdu la vie dans des conflits liés au commerce du diamant au cours des dernières décennies.
Dans ce contexte, certaines puissances étrangères ont su tirer profit de la situation. Israël, par exemple, est devenue l’un des plus grands exportateurs de diamants polis au monde, malgré l’absence de mines sur son territoire. En 2024, ses exportations ont atteint plus de 630 millions de dollars. Des accords économiques et militaires lui ont ouvert les portes de plusieurs pays africains, où des entreprises israéliennes liées au secteur de la défense auraient obtenu des droits d’exploitation en échange de livraisons d’armements. En 2009, une commission de l’ONU a même accusé Israël d’avoir importé illégalement des diamants de la Côte d’Ivoire et de la Sierra Leone.
À l’échelle mondiale, le marché du diamant naturel est extrêmement concentré. Huit des dix principaux pays producteurs sont africains, notamment le Botswana, l’Angola, la République démocratique du Congo, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe. La valeur de ce marché a été estimée à près de 98 milliards de dollars en 2024, et pourrait franchir la barre des 138 milliards d’ici 2032 si la demande continue de croître. Cette richesse suscite la convoitise des grandes multinationales, qui dominent l’extraction et la commercialisation de manière quasi monopolistique.
Parmi ces acteurs majeurs, on retrouve De Beers, fondée en 1888 et longtemps accusée d’avoir entretenu un contrôle opaque sur l’offre mondiale. Basée à Londres, cette entreprise opère dans plusieurs pays africains. D’autres géants comme la russe Alrosa, la britannique Petra Diamonds, l’australienne Rio Tinto ou la canadienne Dominion Diamond exercent également une influence déterminante sur l’ensemble de la filière. Plusieurs d’entre elles ont été critiquées pour leur manque de transparence, leurs liens avec des régimes autoritaires ou leur implication dans des conflits sociaux.
Dans certains cas, des diamants d’une rareté exceptionnelle ont été découverts en Afrique. On se souvient de la Cullinan, pierre brute de plus de 3 000 carats extraite en Afrique du Sud en 1905, dont plusieurs fragments ornent encore les joyaux de la couronne britannique. Plus récemment, des diamants dépassant les 1 000 carats ont été trouvés au Botswana, confirmant le potentiel inégalé du sous-sol africain.
Mais la question centrale reste inchangée : cette richesse souterraine bénéficiera-t-elle un jour aux peuples africains eux-mêmes ? À défaut d’une gouvernance transparente, d’un encadrement rigoureux et d’une volonté politique forte, le diamant continuera d’alimenter les rêves des uns et les cauchemars des autres. Sous son éclat, il porte encore les cicatrices des histoires qu’on préfère souvent oublier.
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