Wolkait, poudrière éthiopienne : le conflit du Tigray sur le fil du rasoir

Rédaction: Aminata Diallo

La région de l’Ouest du Tigray, appelée « Wolkait » par les populations amhara, constitue un point de tension majeur dans le Nord de l’Éthiopie, mêlant enjeux historiques, géographiques, politiques et économiques. Administrativement découpée en trois districts – Hamra, Wolkait et Tsegedie – cette zone fertile, riche en cultures traditionnelles et en ressources agricoles stratégiques (notamment le sésame), est disputée entre les régions du Tigray et d’Amhara. Sa position géographique, à la croisée des frontières avec l’Érythrée et le Soudan, en fait également un carrefour commercial essentiel, renforçant son poids stratégique.

Au cœur de ce conflit, les deux camps avancent des justifications divergentes : les autorités tigréennes fondent leur revendication sur le recensement ethnique de 1994 (97 % de population tigréenne), tandis que les cadres amhara dénoncent une annexion historique, soutenue par un possible changement démographique orchestré. Ce contentieux territorial a contribué à la militarisation de la région : les milices amhara, alliées à Addis-Abeba, y sont déployées depuis 2022, en parallèle aux forces fédérales, tandis que la direction du Front populaire de libération du Tigray (TPLF) en fait une condition non négociable pour le retour de la paix.

Malgré l’accord de Pretoria (2022), qui prévoit le retrait des forces non fédérales et appelle à une résolution constitutionnelle, la question de Wolkait reste irrésolue. Le statu quo ouvre des brèches permettant aux dirigeants fédéraux de manipuler les équilibres entre factions tigréennes et amhara. Le retour des déplacés internes, l’application concrète des principes de décentralisation et le rétablissement de la confiance entre communautés sont perçus comme indispensables pour éviter une reprise des hostilités, avec un risque réel d’extension vers les voisins régionaux.