Cameroun : plaidoyer pour une loi contre les violences basées sur le genre

Rédaction : Widad WAHBI

Au Cameroun, le combat contre les violences basées sur le genre prend une nouvelle ampleur. Face à une recrudescence alarmante des féminicides – au moins 77 femmes tuées en 2024 et déjà 42 au premier semestre 2025 – plusieurs associations féministes tirent la sonnette d’alarme. À Yaoundé, des voix s’élèvent pour dénoncer l’impunité dont bénéficient encore de nombreux agresseurs, et pour réclamer l’adoption d’une loi spécifique qui viendrait combler le vide juridique en matière de protection des femmes.

L’affaire Diane Yangwo, professeure d’anglais battue à mort par son mari en novembre 2023, a marqué les esprits. Grâce à la médiatisation assurée par la journaliste Clarence Yongo, la violence subie par cette mère de trois enfants a suscité une onde de choc dans l’opinion publique. Mais ce n’est que la partie émergée d’un phénomène profondément enraciné. Le jugement rendu dans cette affaire – cinq ans de prison assortis d’un sursis et une amende dérisoire – a été perçu comme une insulte à la dignité des victimes. Le condamné est aujourd’hui introuvable.

Sur le terrain, des structures d’accueil comme le centre Afiri accompagnent quotidiennement des femmes survivantes. Pour ses fondatrices, le simple fait d’appliquer les lois existantes ne suffit plus. Une législation claire, ferme et dissuasive est indispensable pour enrayer cette spirale de violences. En juillet, un plaidoyer a été organisé à l’Assemblée nationale afin d’inciter les parlementaires à faire avancer un projet de loi élaboré depuis 2023 avec des juristes et des acteurs institutionnels. Pourtant, ce texte semble s’être évaporé dans les méandres administratifs, révélant un manque flagrant de volonté politique.

Les militantes dénoncent un climat patriarcal qui banalise les agressions et maintient les femmes dans une position de vulnérabilité. Dans les zones rurales, la méconnaissance des droits accentue la précarité, et de nombreuses femmes vivent dans la peur ou le silence, faute d’alternatives. Le désengagement des autorités publiques sur ces questions, doublé d’un désintérêt manifeste de la sphère politique, alimente un sentiment d’injustice et de résignation. Les témoignages de femmes qui ont subi des violences physiques ou sexuelles restent trop souvent lettre morte, quand ils ne sont pas accueillis par des remarques condescendantes ou des tentatives de relativisation.

Face à ces résistances, les associations poursuivent leur travail de sensibilisation, notamment auprès de la jeunesse. Des signes encourageants apparaissent dans les cercles urbains, où une nouvelle génération se montre plus réceptive à l’égalité des genres. Mais l’ampleur du défi exige des engagements concrets. L’avenir des femmes camerounaises ne peut dépendre uniquement du courage des survivantes ni de la ténacité des militantes , il repose aussi sur une transformation profonde des institutions, des mentalités et du système juridique dans son ensemble.

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