Algérie – France : « Libération » révèle les coulisses du rôle discret du recteur de la Grande Mosquée de Paris


Rédaction : Africa Eye

Dans une enquête approfondie publiée vendredi dernier, le quotidien français Libération lève le voile sur l’influence discrète mais déterminante de Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, dans l’évolution des relations entre l’Algérie et la France. Bien qu’il ne dispose d’aucune fonction diplomatique officielle, le journal le décrit comme « le véritable ambassadeur » de l’Algérie à Paris, en raison de ses interactions régulières avec les plus hautes sphères décisionnelles et de son implication directe dans des dossiers sensibles reliant El Mouradia à l’Élysée.

Selon l’enquête, Hafiz agit en coulisses comme un canal officieux entre les deux présidences, notamment sur des questions sécuritaires délicates, tel le dossier de l’écrivain algérien Boualem Sansal, à l’origine de fortes tensions bilatérales. Libération souligne que le président algérien Abdelmadjid Tebboune le reçoit fréquemment, tandis que le président français Emmanuel Macron lui accorde une attention particulière, allant jusqu’à lui remettre plusieurs distinctions et à l’inviter à des événements officiels, dont des funérailles pontificales à Rome.

Le rapport met également en lumière le rôle de Mohamed Louhanki, secrétaire général de la mosquée et ancien membre du renseignement algérien (DRS), chargé de missions de surveillance au sein de la diaspora algérienne en France. Jusqu’en 2022, il figurait sur les listes de surveillance sécuritaire et s’était vu refuser la nationalité française en raison de ses liens présumés avec les services algériens, avant de l’obtenir par la suite.

Sur le plan économique, Libération pointe le décret présidentiel algérien accordant à la Grande Mosquée de Paris, depuis 2023, un monopole exclusif pour certifier tous les produits halal exportés de l’Union européenne vers l’Algérie. Un privilège qui génère des millions d’euros annuels pour l’institution, mais qui suscite de vives critiques en Europe, au nom du risque de conflits d’intérêts et de distorsions de concurrence.

L’enquête retrace aussi le parcours professionnel de Hafiz, avocat ayant défendu de nombreuses entités algériennes en France, de l’ambassade et des consulats à la compagnie Air Algérie. Il s’est constitué un solide réseau politique couvrant l’ensemble de l’échiquier français, y compris avec l’ancien président Nicolas Sarkozy, qu’il qualifie de « préféré » parmi ses amis politiques.

Le journal revient enfin sur les tensions avec l’ancien recteur Dalil Boubakeur, contraint de quitter ses fonctions en 2020 à la suite d’un « coup de palais » mené par Hafiz et Louhanki au sein de l’Association des Habous, gestionnaire légal de la mosquée. Bien qu’Hafiz nie toute contrepartie matérielle, Libération indique que Boubakeur bénéficie désormais d’une retraite confortable et d’un chauffeur attitré à vie.

Érigée en 1926 en hommage aux soldats musulmans ayant combattu aux côtés de la France durant la Première Guerre mondiale, la Grande Mosquée de Paris est depuis un lieu où se croisent religion et politique. Elle est devenue, au fil des décennies, un instrument d’influence algérienne au cœur de la capitale française, soutenue par des financements officiels et des liens étroits entre ses dirigeants et Alger.

Si l’influence de Chems-Eddine Hafiz au sein des cercles de décision français semble avoir légèrement décliné, il conserve néanmoins une position clé dans la relation algéro-française, alors que s’intensifient les interrogations sur les financements, les privilèges liés à la certification halal et le rôle politico-religieux des responsables musulmans dans un contexte français particulièrement sensible.

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