Au Festival de Fès, le sokou malien fait résonner l’âme du Sahel

Rédaction : Widad WAHBI

Sur la scène verdoyante de Jnan Sbil, dans le cadre du Festival des musiques sacrées du monde, une note s’élève, unique, vibrante, presque intemporelle. Elle vient du sokou, le violon monocorde des bergers du Sahel, entre les mains d’Adama Sidibé, dernier joueur professionnel de cet instrument au Mali.

Originaire de Sikasso et âgé de 33 ans, Sidibé incarne à lui seul un héritage menacé d’extinction. Héritage qu’il a choisi de défendre, de transmettre et de faire voyager, des plaines maliennes jusqu’aux scènes internationales.

Vêtu d’un long boubou bleu et coiffé du tingandé, chapeau traditionnel peul, Adama Sidibé ajuste minutieusement la seule corde de son instrument. Fabriqué de ses mains, le sokou naît d’une demi-calebasse évidée, recouverte de peau de varan, et d’une corde tirée de crins de cheval. Un savoir-faire artisanal et musical que l’artiste a hérité du maître Ismaïla Koulibaly, disparu en 2023.

« Chez nous, le berger doit faire parler son sokou », confie Sidibé, évoquant une pratique indissociable de la vie pastorale peule. Il se souvient de ses premières mélodies, jouées en gardant les troupeaux, au rythme des transhumances entre Mali, Burkina Faso et Côte d’Ivoire.

Pour Sidibé, le Sahel est « un tout indivisible », un espace où les frontières politiques ne peuvent effacer la continuité culturelle. En 2019, il fonde à Bamako le groupe Sahel Roots avec le percussionniste Alassane Samaké, une formation qui, trois ans plus tard, remporte le premier prix du Soko Festival de Ouagadougou. Cette victoire, arrachée au terme d’un périple rocambolesque marqué par un coup d’État et un voyage de 900 km à moto, symbolise sa détermination.

Au Festival de Fès, Sidibé partage la scène avec le violoniste français Clément Janinet. Ensemble, ils tissent un dialogue musical entre le sokou et le violon classique, intégrant contrebasse, trompette ou saxophone. « Les frontières n’existent pas en musique », dit-il, évoquant également des collaborations inattendues, comme celle avec le violoniste chinois Kun Kun, jouée sur une pirogue au fil du Niger.

Malgré les tensions politiques qui secouent le Sahel, Sidibé préfère porter un message d’unité et de résilience culturelle : « La culture, c’est la lumière d’un peuple. » Il se réjouit de voir le Mali réintroduire langues et traditions dans l’enseignement, et de constater que les instruments traditionnels intègrent enfin les programmes des écoles et conservatoires.

Sur la scène de Fès, chaque vibration de son sokou semble rappeler que la musique, comme le Sahel, dépasse les frontières. Et qu’un seul fil, tendu entre une calebasse et un archet, peut porter la mémoire d’un continent entier.

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