Afrique : Le poison invisible du recyclage des batteries

Rédaction : Kemba Ngwema

Dans les ruelles poussiéreuses d’Accra, de Douala ou de Pointe-Noire, l’air semble ordinaire. Mais une fine poussière noire se dépose chaque jour sur les maisons, les champs, les jouets des enfants. Cette poussière, saturée de plomb, vient des usines de recyclage de batteries gérées par des compagnies indiennes. Une enquête conjointe de Grist, The Examination et Ghana Business News révèle une réalité glaçante : dans certains quartiers, presque tous les enfants testés présentent des niveaux de plomb dans le sang largement supérieurs au seuil d’alerte fixé par l’OMS. Les conséquences sont irréversibles : retard mental, troubles respiratoires, dommages neurologiques.

Ces entreprises exploitent un vide réglementaire que l’on n’oserait pas tolérer en Inde, où les normes environnementales sont bien plus strictes. En Afrique, elles trouvent un terrain sans garde-fous, alimenté par l’indifférence ou la complaisance des autorités locales. À Vindoulou, au Congo-Brazzaville, des familles entières vivent littéralement au pied d’une usine de recyclage : les sols sont saturés de toxines, les récoltes contaminées, et les enfants deviennent malgré eux les premiers réceptacles de ce commerce mortel. Pour les riverains, le quotidien n’est plus qu’une lutte silencieuse contre un poison qu’ils ne peuvent ni voir ni fuir.

L’ampleur du danger est immense. Le marché africain du recyclage de batteries est appelé à dépasser les 6 milliards de dollars dans la décennie à venir, un pactole qui attire investisseurs et spéculateurs. Mais derrière les profits, ce sont des vies qui se brisent. Au Ghana, une étude de 2020 révélait que plus de la moitié des enfants testés avaient déjà franchi le seuil critique d’intoxication au plomb. Face à cette urgence, un plan national a été lancé par le ministère de la Santé avec l’appui de l’UNICEF et de Pure Earth. Reste à savoir si ces engagements sauront se traduire en actes concrets—avant qu’une génération entière ne soit sacrifiée sur l’autel du recyclage « vert ».

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